Réflexions et orientation cosmologiques, anthropologiques et éthiques

Maat

The Living Force
FOTCM Member
This is the translation of the first post of Laura from this thread https://cassiopaea.org/forum/index.php/topic,43935.0.html

Enjoy !

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Quelqu'un pourrait proposer un meilleur titre pour ce fil de discussion où je vais m'efforcer de définir la théologie et l'anthropologie de la FOTCM et la façon dont cela pourrait et devrait personnellement guider chaque membre. Ce sujet est inspiré par la récente séance avec les Cs, à savoir :

Q : (L) Et qui avons-nous avec nous ce soir ?
R : Frilipiaea de Cassiopaea. Bonsoir ! Aujourd'hui, tu as apporté deux livres qui contiennent de grandes idées. Nous percevons les nombreuses questions dans ta tête. Répondons d'avance que oui, c'est vrai qu'un réseau peut opérer comme cela est suggéré. De même, le modèle de transformation personnelle est tout à fait exact agrémenté des modifications que tu as élaborées.
Q : (L) Donc, autrement dit, j'étais prête à poser toutes ces questions, j'avais amené mes livres, et vous m'avez tout simplement coupé l'herbe sous le pied ! [rires]
(Galatea) Non ! Ils t'ont aidée. Ça s'appelle aider.
R: Oui.

Je pense qu'il est nécessaire de fournir un certain contexte aux idées et au modèle que je vais présenter ici. Tout du long, je vais comparer des systèmes. Cependant, je ne souhaite pas submerger le lecteur avec plus de notions qu'il n'en a besoin à ce stade, je vais donc essayer de faire simple.

En premier lieu, il serait utile que le lecteur ait lu la série de l'Histoire Secrète : « L'histoire secrète du monde – un fil d'Ariane », « Les comètes et les cornes de Moïse », « Les changements terrestres et la connexion anthropo-cosmique ». Dans « Les comètes », j'ai abordé en profondeur l'antique philosophie grecque en mettant particulièrement l'accent sur les stoïciens.

Lors de l'étude des religions et des systèmes philosophiques antiques (qui se chevauchaient souvent ou étaient, en un sens, une seule et même chose), les principales questions des savants modernes concernent la catégorisation des différentes idées qui apparaissent : sont-elles théologiques, c'est-à-dire relevant de « l'étude systématique du divin et de l'exploration des vérités religieuses », ce qui inclut généralement une cosmologie (comment le monde est-il réellement et comment il fonctionne), anthropologiques, éthiques, etc. L'anthropologue culturel Clifford Geertz a fait remarquer qu'il existe une relation dynamique entre ce que les gens croient à propos de leur monde et leur ethos : à partir de « ce qui est » naît « comment devrions-nous nous comporter ».

Selon Troels Engberg-Pedersen (ci-après TEP), les écrits de l'apôtre Paul comportent des idées sur Dieu et le Christ et la façon dont le monde est agencé dans le temps et l'espace. TEP qualifie ces idées de « théologiques dans les grandes lignes » ou de « religieuses » et « cosmologiques ». Il y a également des idées sur les rapports entre les êtres humains et Dieu, le Christ et le monde compris de manière cosmologique ; et des idées sur les rapports interhumains au sein et en dehors du groupe des croyants au Christ. Ces idées pourraient en gros être qualifiées d'« anthropologiques », et les dernières plus spécifiquement d'idées « éthiques ».

Nous avons donc :

1) Cosmologie/Théologie : les idées sur Dieu et la nature du monde
2) Anthropologie : les idées sur la manière dont les humains s'insèrent dans le monde et leurs rapport avec Dieu/le Cosmos
3) Ethique : les rapports entre êtres humains dans différents contextes

Le célèbre théologien allemand Rudolf Bultmann a déclaré « [chez Paul] Tout énoncé sur Dieu est un énoncé sur l'homme. Il n'y a pas de véritable théologie paulinienne mais une anthropologie. » Il entendait par là que la vision de Paul, ou son « point de vue » sur la cosmologie/théologie influençait profondément sa manière de cerner les rapports des humains avec Dieu et les uns les autres. C'est-à-dire que si vous comprenez RÉELLEMENT comment est/fonctionne le Cosmos, ce qui EST, alors cela devrait profondément affecter votre façon d'agir dans tous les contextes, tant dans vos relations avec la réalité qu'au sein de cette réalité.

C'est là où l'on peut relever une correspondance très étroite entre les stoïciens, Gurdjieff et les Cs. Je développerai certaines de ces idées ultérieurement mais pour le moment, je ferai juste remarquer que la perspective cassiopéenne, les idées à propos des densités, des dimensions, des êtres de densité supérieure et leur influence sur notre réalité et nos vies devrait influencer profondément la façon de mener nos vies et dont nous nous traitons les uns les autres dans divers contextes.

L'autre chose à ajouter à la liste pour aider à clarifier la question est la compréhension de soi des gens. « Compréhension de soi » est une sorte de terme savant pour décrire comment une personne se perçoit, comment elle perçoit son intégration dans le plan cosmique. A savoir, une personne ne rend-elle compte qu'à elle-même, qu'à Dieu, ou à la société ; est-elle douée de libre-arbitre, tout est -il déterministe (aucun libre-arbitre), etc.

TEP : « Premièrement, la construction du Moi de Paul et la perspective du Je initiale n'est absolument pas « individualiste » au sens moderne du terme. Et deuxièmement... l'axe essentiel des écrits de Paul tend vers une certaine forme de communautarisme. Chez Paul, la théorie primordiale attenant à la façon dont le Moi devrait considérer ses relations à Dieu, au Christ, au monde et aux autres consiste à passer d'une perspective du Je à une perspective entièrement commune. Tout l'intérêt de sa pensée réside dans la pratique. C'est la pratique sociale qui constitue la première cible. »

Puis, en tant que savant moderne, TEP entame une discussion sur la manière de « lire Paul ». Il souligne que « jusqu'à ce qu'un obstacle ne surgisse, le lecteur sera immédiatement « en phase » avec l'auteur, a) présumant être capable de comprendre l'auteur, c'est-à-dire de « parler le même langage » que lui-même ou elle-même, b) visant en outre à comprendre le point de vue de l'auteur distinct du sien, c) s'attendant immédiatement à ce que l'auteur exprime une vérité – ou du moins ce que je devrais qualifier de « réelle opinion ». … {Puis, citant le philosophe Bernard Williams} « Nombre de perspectives que les êtres humains ont eues dans le passé ne sont pas des options réelles pour nous aujourd'hui : la vie d'un chef de l'âge du bronze ou d'un samouraï médiéval ne sont pas des options réelles pour nous puisque de toute évidence nous ne pouvons les vivre. » A contrario, une perspective est une option réelle pour un groupe soit si c'est déjà sa perspective, soit s'il pourrait l'adopter ; et il pourrait l'adopter s'il pouvait la vivre dans ses circonstances historiques réelles et garder son emprise sur la réalité, ne pas s'adonner à un vaste aveuglement, etc. »

C'est là que TEP crée la scission qui selon lui existe entre la vision du monde de Paul et celle de l'homme moderne. Il écrit : « Disons le carrément, la majeure partie de la vision du monde essentielle de Paul, autrement dit la perspective apocalyptique et et cosmologique fondamentale qui était la sienne, ne constitue pas à l'heure actuelle, et de loin, une option réelle pour nous – telle que Paul la comprenait. »

Et pourtant, c'est précisément ici, dans sa « perspective apocalyptique et cosmologique » que nous trouvons une convergence entre Paul et les Cs, ET Paul et le travail scientifique qui a été exclu indifféremment par les historiens et les théologiens. J'ai passé toute la série de l'Onde à flirter avec l'idée que notre monde est englobé dans une réalité hyperdimensionnelle en considérant la possibilité des densités et d'autres dimensions, le paranormal, en examinant tout cela depuis autant d'angles que cela paraissait utile pour aboutir à un résultat positif : les choses ne sont PAS ce qu'elles semblent être en apparence dans notre réalité et ne l'ont jamais été.

C'est aussi précisément dans ce domaine de cosmologie apocalyptique que Paul était en accord avec les stoïciens et même Gurdjieff. Tous ont une position très similaire à propos des cataclysmes périodiques sur Terre qui « réinitialisent le système ».

Ainsi, TEP considère que les parties centrales des idées de Paul ne sont plus une « option réelle » que l'homme moderne puisse croire ou considérer comme une cosmologie. Mais j'opte pour un point de vue différent : je pense que Paul tenait quelque chose de crucial au sens où cela étoffe nettement certaines parties des enseignements des stoïciens et rejoint quasiment les propos des Cs sur le bagage à l'évidence stoïcien de Gurdjieff. TEP souhaite ensuite extraire ce qu'il peut des idées de Paul qui puisse être encore valable en les comparant à la philosophie stoïcienne et d'autres systèmes éthiques de l'époque mais ce faisant, il ne tient pas compte du fait que la cosmologie apocalyptique des stoïciens n'est plus une option que l'on puisse envisager comme un portrait réaliste du Cosmos. TEP veut comparer la « forme de vie » de Paul – résultat direct de sa cosmologie – avec les formes de vie modernes auxquelles nous avons accès pour tirer des analogies avec notre propre réalité moderne qui s'est débarrassée de concepts tels que l'apocalyptisme (au véritable sens du terme : révélation). TEP veut sauver l'anthropologie et l'éthique de Paul de sa cosmologie en oubliant cette dernière. Il écrit : « ce que nous présentons comme une option réelle n'est pas exactement ce qui se trouve chez Paul puisque nous l'avons isolé d'autres parties de sa pensée que nous ne sommes pas prêts à endosser. »

A la fin de son livre "Paul and the Stoics", il écrit : « On peut penser, en fait on devrait penser, que la foi de Paul en l'histoire de l'incarnation du Christ, sous la forme directe dans laquelle il la comprenait, était fausse. Mais l'on peut se laisser stimuler par la sorte de « théologisation » que l'on trouve chez Paul pour penser que l'on devrait nous-mêmes adopter ce même type de théologisation : une théologisation qui tente de percer la signification de l'incarnation du Christ pour les êtres humains d'une manière qui fasse immédiatement sens philosophiquement et ainsi présente la configuration spécifique de la forme de vie croyant au Christ comme une option réelle pour ses contemporains. »

Évidemment, le problèmes est qu'en supprimant la cosmologie, TEP a fondamentalement privé les idées de Paul sur la façon dont les humains devraient vivre les uns par rapport aux autres de toute justification convaincante.

Ensuite, je présenterai le modèle et ce que cela signifie de passer d'une « centralité sur le Je » à une « centralité sur le Nous », le groupe, le réseau.
 
Translation of the second post

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Je disais précédemment que je présenterai le modèle. Mais après quelques réflexions, je pense qu'il serait mieux de parler un peu plus de cosmologie d'abord. Répétons-le : « L'anthropologue culturel Clifford Geertz a fait remarquer qu'il existe une relation dynamique entre ce que les gens croient à propos de leur monde et leur ethos : à partir de « ce qui est » naît « comment devrions-nous nous comporter ».

Jusqu'ici, nous avons cette liste de termes/relations :

1) Cosmologie/Théologie : les idées sur Dieu et la nature du monde
2) Anthropologie : les idées sur la manière dont les humains s'insèrent dans le monde et leurs rapport avec Dieu/le Cosmos
3) Éthique : les rapports entre êtres humains dans différents contextes

Avant de nous lancer, j'aimerais amener deux termes supplémentaires : l'ontologie et l'épistémologie.

Ontologie : branche de la métaphysique (philosophie relative à la nature de ce que sont les choses) qui vise à identifier, dans les termes les plus généraux, les types de choses qui existent réellement. Autrement dit, répondre à la question : Qu'est-ce que l'existence ? Et Quelle est la nature de l'existence ? Lorsque l'on se pose des questions profondes telles que « Quelle est la nature de l'univers ? », « Y a-t-il un Dieu ? », « Que se passe-t-il quand nous mourrons ? », « Quels principes gouvernent les propriétés de la matière ? », nous nous posons des questions intrinsèquement ontologiques.

Épistémologie : branche de la philosophie qui s'intéresse à la nature de la connaissance elle-même, ses possibilités, sa portée et son assise générale. Plus généralement : Comment nous-y prenons-nous pour connaître des choses ? Comment faisons-nous pour distinguer les idées vraies des idées fausses ? Comment savons-nous ce qui est vrai ? Comment pouvons-nous être sûrs d'avoir repéré la « vérité » ? Quelles sont les méthodes systématiques pour déterminer si quelque chose est juste ou faux ?

L'ontologie traite donc de ce qui est vrai et l'épistémologie des méthodes pour découvrir ces vérités.

La scission entre Platon et Aristote est à la fois ontologique et épistémologique. La scission entre la religion et la science est à la fois ontologique et épistémologique. Par exemple, la religion et la science offrent deux ontologies (théories sur ce qui est là dehors) et épistémologies (moyens de découvrir ce qui est là dehors) très différentes. Et la scission entre Platon et Aristote semble être à l'origine de la scission entre la religion et la science...

Selon Platon, la Vérité est une « idée » abstraite. Le monde naturel qui nous entoure n'est que l'ombre du Vrai. Les véritables formes des choses n'existent qu'en tant que concepts, qui peuvent éventuellement être modélisés par les mathématiques ou la pensée uniquement via la raison pure. Ainsi, tenter de comprendre la Vérité en analysant le monde naturel est une perte de temps. La seule voie vers la Vérité est la contemplation et la pratique de la philosophie. La conséquence logique de ce point de vue est que seuls ceux qui possèdent une profonde compréhension des Vérités philosophiques (parce que c'est ce qu'ils disent ?) devraient être autorisés à prendre des décisions importantes ou énoncer ce qui est « vrai » ou non. Un autre point essentiel de cette perspective est que cet « idéalisme mystique » est lié à l'apocalyptisme : la Vérité révélée. Et ce point de vue comporte évidemment des problèmes.

D'un autre côté, Aristote croyait que l'observation et l'analyse systématiques du monde naturel et tout ce qu'il comporte, associées à une logique rigoureuse, pavaient la voie vers la Vérité. C'est uniquement ainsi que l'on peut énoncer la nature/essence d'une chose et parler des causes. Évidemment, c'est à la vision d'Aristote que recourt la science. Mais cette perspective comporte également des problèmes, bien qu'ils ne soient pas aussi évidents. Comme l'a exprimé Bertrand Russell : « Aristote croyait que les hommes avaient plus de dents que les femmes. Bien qu'il ait été marié deux fois, il n'a compté les dents d'aucune. » Aristote disait aussi que les femmes, comparées aux hommes, étaient « immatures », « déficientes », « déformées », voire même un peu « monstrueuses ». Il pensait que les hommes avaient un sang plus chaud que les femmes, un rôle plus important dans la reproduction et étaient plus parfaits de manière générale. Quelles preuves donne-t-il pour déclarer cela ? Si vous « mutilez » un garçon – lui coupez les testicules – sa voix ne mue jamais et il ne devient jamais chauve : il se féminise. La déduction est alors que les femmes sont naturellement des hommes mutilés et cela lui paraissait raisonnable.

Aristote croyait également en l'esclavage en tant qu'institution. Dans sa Politique, il écrit que les prisonniers de guerre ne méritent pas d'être asservis. Ce ne sont que des hommes libres malchanceux. Mais il affirme également que certaines personnes méritent bel et bien d'être asservies. Les esclaves « naturels » sont le genre de personnes qui ont la capacité à recevoir des ordres mais ne sont pas assez intelligentes pour penser par elles-mêmes. Ce sont des hommes machines qui ne valent guère plus que des animaux.

Aristote ne put trouver aucune gonade chez les anguilles lorsqu'il les coupait. Aussi il déclara qu'elles étaient spontanément générées par la vase. Il pensait également qu'un tas d'autres bestioles étaient spontanément générées à partir de matière inanimée.

Aristote pensait également que la Terre se trouvait au centre du Cosmos parce que c'est là qu'il se trouvait et de là qu'il observait tout. Il partageait avec d'autres systèmes la conviction que les objets célestes étaient vivants. Mais si vous avez lu « Les comètes et les cornes de Moïse », vous comprendrez d'où lui venait cette croyance.

Son Dieu Suprême est la Cause Première ; une entité immatérielle qui vit au-delà des étoiles, indifférente à la vie sur Terre, et passe son temps à penser à réfléchir. Les étoiles et les planètes désirent être comme Lui et tournent donc éternellement. C'est un éternaliste : il pense que le Cosmos, la Terre et toutes les espèces d'animaux et de plantes qu'elle abrite ont toujours été là.

Assez curieusement, lorsqu'on y pense, proférer que seules l'observation et l'analyse peuvent être la voie vers la Vérité et que seul ce qui peut être observé et analysé peut être « réel » constitue une sorte d « idéalisme mystique » qui s'arroge lui-même le droit de déclarer ce qui est Vrai ou non. La science s'est elle-même arrogé ce droit et l'a porté jusqu'à un matérialisme extrême qui crée des paradoxes ontologiques impossibles. La théorie du Big Bang, par exemple, est l'équivalent scientifique de la création ex niholo par le Verbe de Dieu. Depuis cet événement, tout dans le Cosmos est apparu à partir d'un « atome primordial » et d'une force inconcevable sans rien conclure de l'origine de l'atome primordial ou de la force explosive ni de la façon dont ils sont « apparus » au départ. Mais ne vous inquiétez pas : on peut étudier tout ce qui en résulte, supposer qu'il n'y a rien de plus et tout ira bien. Voici en gros la cosmologie moderne.

De nos jours, le comportement des humains sur la planète est évidemment essentiellement fondé sur ce que les différents groupes « croient à propos de leur monde », quasiment tous étant influencés – à des degrés divers – par la vision scientifique matérialiste. On remarque même que TEP rejette une grosse partie des propos de Paul car il considère que cela n'est PAS une option qu'il puisse « adopter ». Il veut bien entendu dire par là qu'il ne croit en aucune sorte de révélation divine (apocalypse = dévoilement) ni qu'il pense en termes d’événements cataclysmiques vis-à-vis des humains en réponse à leurs actes/comportements. Les idées de ce genre ont été bazardées grâce à la « réflexion » et à la « rationalité » modernes fondées sur la science matérialiste. Et pourtant, comme je l'ai déjà mentionné, il se passe sur notre planète une foule de choses, qui se sont déjà produites par le passé comme l'ont relaté des témoins fiables, qui ne concordent pas avec cette vision du monde. Il cite le philosophe Bernard Williams qui écrit : « une perspective est une option réelle pour un groupe soit si c'est déjà sa perspective, soit s'il pourrait l'adopter ; et il pourrait l'adopter s'il pouvait la vivre dans ses circonstances historiques réelles et garder son emprise sur la réalité, ne pas s'adonner à un vaste aveuglement, etc. » Et pourtant, il me semble que la dite « science », qui semble s'être égarée en chemin, soit à l'origine de beaucoup d'aveuglement. Et c'est de cette illusion que provient la PERTE de la compréhension de la réalité de l'humanité avec les résultats que l'on observe autour de nous aujourd'hui : une vie politique et sociale gouvernée par des menteurs et des mensonges. Cela semble être « le fruit de l'arbre » qui nous permet de le reconnaître.

On vient du néant, on retourne au néant, et entre les deux rien n'a d'importance excepté ce que les scientifiques (y compris les sociologues, psychologues, anthropologues, etc) déclarent être la nouvelle « bonne manière » de voir les choses. Nous sommes passés de la Renaissance à la Révolution copernicienne aux Lumières à la méthodologie scientifique à l'empirisme et à l'ère de la réflexion (fin du 18° siècle) au modernisme et pour finir, avec un curieux virage, au post-modernisme où l'on prétend que la Raison et la science sont des idéologies au sens nietzschéen ou marxiste : de simples mythes crées par l'homme. Bref, non seulement nous sortons du néant et y retournons mais en plus nous ne pouvons rien connaître dans l'intervalle.

Le post-modernisme prétend qu'il n'existe aucun moyen universel, objectif pour juger de la « véracité » d'un concept quel qu'il soit. TOUS les jugements de vérité existent au sein d'un contexte culturel (relativisme culturel). L'application de la Raison pure (fondée sur le scepticisme cartésien radical) réfute la nature universelle d'une liberté humaine a priori. L'indépendance/ la liberté sont des idéologies occidentales (tout comme la raison et la science) qui servent à coloniser des cultures étrangères (c-à-d le Congo belge, le Vietnam, l'Irak, l'Afghanistan) ou à dominer les femmes. La science n'est pas plus universelle que ne l'est la définition de la « vérité » de n'importe quelle culture. La langue est fluide et arbitraire et/ou enracinée dans les relations de Pouvoir/Connaissance. Le sens est fluide et arbitraire. Il n'y a « aucune vérité éternelle, aucune expérience humaine universelle, aucun droit humain universel, récit primordial du progrès humain (Faigley, 8). La vérité peut exister indépendamment de la conscience humaine mais il n'y a aucun moyen objectif de la déterminer. Il n'existe aucun moyen objectif à partir duquel affirmer une moralité et une gouvernance bonne/juste. Les catégories mâle/femme, masculin/féminin sont construites culturellement et/ou idéologiques. Les rôles liés au genre sont culturellement relatifs dans toutes les cultures et tous les contextes. Le « moi » est un mythe et en grande partie un agglomérat d'expériences sociales et de contextes culturels. Le « moi » est une idéologie. (Source : largement inspiré de Jane Flax, via « Fragments Of Rationality » de Lester Faigley).

Au final, il semble que la cosmologie de notre civilisation (du moins la part de civilisation qui se trouve au pouvoir) soit viciée vue la société viciée qu'elle a produite : le fruit de l'arbre du matérialisme scientifique. Bien entendu, corrélation n'est pas nécessairement causalité, mais je pense que l'on a suffisamment étudié ce qui se passe dans notre réalité dans la série l'Onde pour être convaincus que la cosmologie du genre de Dawkins et des post-modernistes est au minimum inexacte et au pire largement dans l'erreur. Aussi, je pense qu'il serait utile d'étudier plusieurs autres compréhensions cosmologiques afin de nous orienter.

Nous devons trouver quelles sont les options cosmologiques que l'on pourrait « adopter » qui peuvent être étayées par 1) la vie et l'expérience réelles, 2) la rationalité, 3) un examen minutieux de l'apocalypse/révélation quant aux domaines de l'ontologie qui se situent au-delà des domaines où l'on peut aller avec notre rationalité et nos observations empiriques. Bref, nous explorerons des choses qui suggèrent une épistémologie ou une méthode différente pour découvrir ce qui peut être vrai ou non, si on peut l'« adopter », parvenir ainsi à une meilleure compréhension de la réalité et nous soustraire à un aveuglement généralisé. Et ensuite, que cette option puisse réellement transformer nos vies.
 
Third post

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On peut bien évidemment passer beaucoup de temps à examiner les diverses cosmologies des anciens peuples ; ici, je ne le ferai que très brièvement. J'encourage toute personne intéressée à lire « Cosmos, chaos et le monde qui vient : Du mythe du combat à l'eschatologie » de Norman Cohn. « Ce livre examine les plus profondes racines, et l’apparition, d’une espérance qui continue de s’épanouir aujourd’hui. Celle qui veut qu’un merveilleux achèvement advienne sous peu, quand le bien aura finalement triomphé du mal pour toujours en le réduisant à néant ; quand on aura fait un sort aux mandataires du mal ou qu’on les aura supprimés physiquement, quand les élus se confondront désormais avec la collectivité unie et pacifiée, sur une terre transformée et purifiée: cette espérance a connu une longue histoire dans notre civilisation. Sous l’apparence d’un christianisme déclaré, elle a exercé une fascination puissante à travers les siècles, qui se perpétue ; et sous des atours séculiers, on peut la reconnaître aisément dans certaines idéologies socio-politiques. D’un autre côté, bien des grandes civilisations, certaines durant plusieurs milliers d’années, n’ont rien su d’une telle espérance. Aussi convient-il de se demander quand et comment cette idée a pris forme. Et quelle sorte de vision du monde l’a précédée. »
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Dans le livre de Cohn, vous aurez une vue d'ensemble de plusieurs cosmologies antiques les plus importantes ce qui donnera un contexte à la lumière duquel examiner les questions que nous aborderons ultérieurement.

De manière générale, on peut dire qu'un ordre cosmique omniprésent allait de soi dans l'ancien Proche-Orient. Tout avait été établi par les dieux qui maintenaient l'ordre. Il y avait des dieux bienveillants, des dieux turbulents, et d'autres qui étaient parfois bons, parfois destructeurs. Ainsi, même l'instabilité de l'ordre cosmique – se manifestant par des effets environnementaux ou des guerres – était « normale » pour ainsi dire. C'était également immuable. Les dieux étaient aux commandes et c'était tout. Les prêtres étaient chargés de raconter à tout le monde ce que les dieux étaient, avaient fait et feraient et pour l'essentiel, comme l'écrit Cohn, ces idées visaient à soutenir les élites ; à justifier la situation et leurs actes. L'état était la manifestation de l'ordre pour le compte des dieux. Il était nécessaire de veiller à obéir à la loi, aux prêtres et aux rois dont la mission consistait à repousser les ennemis à l'ordre comme le faisaient les dieux.

Les Égyptiens croyaient que la matière à l'origine de toute chose avait toujours existé et la « création » originelle n'était que le façonnage d'une « substance » informe en ordre organisé. Il existait de nombreuses versions quant à la manière dont cela s'était produit. De l'avis général, le monde n'avait pas été formé par un dieu qui avait toujours existé – la seule chose qui ait « toujours » existé était le chaos : Noun, qui existait avant le ciel, la terre, les hommes et la naissance des dieux. A un certain moment, « la première fois », une île minuscule émergea de l'océan infini qui faisait partie du chaos préexistant.

Le démiurge créateur était le dieu du soleil, Ra, ou le dieu de la terre, Ptah. Diverses théologies décrivaient différemment ses activités. Les dieux ressemblaient beaucoup aux êtres humains dans leur caractère et leur nature. Ils pouvaient vieillir et aussi mourir. Les Egyptiens savaient que les dieux, tout comme eux, étaient gouvernés par le principe d'un ordre global : Ma'at. Cohn suggère que le concept de Ma'at s'était développé pour répondre aux besoins de l'état égyptien et constituait un corpus réglementaire systématiquement planifié et imposé au départ par les autorités au pouvoir. Après un temps, ma'at acquit une signification plus large et devint ce qui gouvernait tous les aspects de l'existence, y compris les dieux et le cosmos. Ma'at était la colline primordiale, la base sur laquelle le monde ordonné était structuré et l'état était sa personnification. L'essence de l'état était le roi et la monarchie était une institution divine.

Selon l'« histoire » officielle, l'Egypte avait été au début gouvernée par les dieux, puis par leurs enfants et petits-enfants (toujours en couples), puis par des demi-dieux et des rois humains qui descendaient d'eux. Bien entendu, la succession royale était souvent en réalité déterminée par des conflits, des guerres civiles, et le fondateur de n'importe quelle nouvelle dynastie réécrivait simplement l'histoire et ses propres origines.

Donc le pharaon n'était pas seulement de descendance divine, il était lui-même semi-divin. On croyait donc qu'à la mort, le roi prenait place parmi les dieux alors que sur terre le roi était le « fils de dieu », c'est-à-dire le fils de Ra. Lors du Nouvel Empire (18°, 19°, 20° dynasties – 1070-1544), ce fut rendu explicite : le dieu s'accouplait avec la principale épouse du roi pour engendrer l'héritier. Ceci serait représenté en images sur les murs de divers temples.

Pharaon représentait le peuple égyptien dans ses rapports avec les dieux. Il faisait des offrandes en leur nom et sollicitait des faveurs. C'était par l'intermédiaire du roi que le peuple pouvait faire ses offrandes qui soutenaient ainsi le(s) dieu(x) ce qui leur permettait de maintenir l'ordre du monde. C'était par l'intermédiaire du pharaon que les dieux accordaient des avantages au peuple. Ainsi, le roi était la charnière entre le peuple et les dieux. Le roi était donc « seigneur de ma'at ».

Ma'at exprimait principalement la justice, détruisant le mal et faisant le bien. Cela signifiait également sollicitude pour le peuple et le roi était représenté comme un berger et la houlette faisait partie des attributs royaux. Par sa sollicitude toute divine et sa préoccupation des pauvres et infortunés, le roi démontrait que les dieux l'approuvaient. En pratique bien sûr, la justice était dispensée par des « prêtres de ma'at », des juges.

Gagner une guerre était une affirmation de ma'at. Les forces ennemis, intestines ou extérieures, étaient considérées comme des agents du chaos. On pourrait parler de première diabolisation propagandiste de l'ennemi. Et cela commença TRES tôt. Dès le début de l'état égyptien, les monuments et les annales décrivent le roi comme invariablement victorieux à la bataille. Cela ne reflétait pas toujours la réalité. Cependant, il s'agissait de dépeindre le roi comme remplissant son rôle de consolidation de l'ordre cosmique. Cette perception du pharaon était si forte que même la conquête d'ennemis étrangers ne put la détruire. Tout monarque étranger conquérant fut considéré comme un véritable pharaon s'il recevait les titres pharaoniques et était disposé à servir les dieux d’Égypte. Les Perses, les Cambyse et Alexandre le Grand s’exécutèrent. Ceux qui refusèrent furent considérés comme des agents du chaos en mission (Hyksos).

Le désordre social était le reflet du désordre dans la nature. Les nations hostiles, les fauteurs de trouble n'étaient pas seulement des contrevenants à la loi – qui transgressaient ma'at – mais des complices et des instruments des puissances chaotiques surhumaines. Le principe opposé à ma'at était isfet – traduit par « fausseté », « injustice » - ce qui désignait tout ce qui allait à l'encontre de la droiture de l'ordre du monde. Il fallait tenir compte de cette force car le monde, comme la colline primordiale, était toujours cerné par l'océan de chaos qui menaçait de l'engloutir ou l'anéantir. Pour les Égyptiens, ma'at étaient constamment menacé par les êtres monstrueux demeurant dans l'abîme du monde des ténèbres. Le chef était le gigantesque serpent semblable à un dragon Apophis, ou Apep. C'était un dieu mais maléfique. Ses origines sont incertaines car il apparut pour la première fois lors de la première période intermédiaire (env. 2181–2055 av. JC) quand la stabilité de l'Ancien Empire fut renversée. On pense que Les Admonestations d'Ipou-Our furent écrites à cette époque.

Évidemment, vu l'imagerie et les événements liés consignés dans d'autres régions du monde, je suggérerais que des événements cataclysmiques furent à l'origine du désordre de la première période intermédiaire. Comme on le verra ultérieurement, on attribue à la même époque la destruction de la civilisation harappéenne. Mais ne nous attardons pas là-dessus. Je devrais ajouter que « Apophis incarnait le chaos primordial. Il ne possédait pas d'organes sensoriels, il ne pouvait ni voir ni entendre, seulement crier. Et il opérait toujours dans les ténèbres. Alors que le navire du dieu-soleil croisait dans le monde d'en bas, il tentait encore et toujours de lui bloquer le passage en buvant le fleuve imaginaire sur lequel il naviguait. A chaque apparition de l'obscurité – lors d'une éclipse, pendant le décours de la lune, dans un ciel nuageux et plus encore que ces moments critiques, entre la tombée de la nuit et le lever du jour – Apophis était à l’œuvre. » (Cohn, p. 36). Dans la bataille contre Apophis, Seth fut le héros tueur de monstre, le protecteur du monde.

Il a existé une longue liturgie à réciter pour tenir Apophis en respect. Ce texte est connu sous le nome de « Livre destiné à abattre Apophis ». Il s'agit d'une œuvre tardive mais qui aurait préservé des informations d'une époque bien plus ancienne.

Malgré les efforts, Apophis ne fut jamais détruit ; il était immortel et avait toujours été là. Le monde et les dieux avaient un début mais pas le chaos. Ceci était vrai non seulement pour Apophis mais aussi pour tout un tas d'êtres étranges menaçants qui existaient en dehors de l'ordre du monde. Ils ne faisaient pas partie de la création et étaient éternels. On ne pouvait rien faire de plus que de les tenir à distance ; cette tâche incessante exigeait les éternels efforts conjoints des dieux et des hommes. L'existence de temples et d'un culte devait assurer le maintien de cette collaboration pour éviter l'invasion du chaos.

L'une des cérémonies du culte pratiquée en Egypte était le rituel de « l'annihilation des ennemis » qui prenait la forme d'une sacrifice d'animaux sauvages qui étaient tenus pour des « ennemis des dieux ».

Dans les temples, les prêtres accomplissaient des rituels complexes en la seule présence du dieu ; il ne s'agissait pas d'un lieu où les croyants se rassemblent pour rendre un culte. Le temple représentait la colline primordiale de l'ordre au milieu du chaos et sa fonction était de réduire la chaos à l'impuissance par des rituels répétés et l'office aux dieux bienveillants. Les pouvoirs magiques du temple étaient invoqués pour protéger le dieu et donc l'ordre du monde. C'est-à-dire que même si l'ordre avait été apporté par les dieux, ils ne pouvaient le maintenir sans l'aide des êtres humains accomplissant constamment leur part et déversant leurs offrandes pour « renforcer les dieux ».

Les gens du peuple comprenaient le rôle qu'ils devaient jouer : il était absolument nécessaire de se conformer aux règles pour tenir le chaos et la destruction à distance. Ils comprenaient qu'il existait des esprits néfastes, des démons rôdant constamment à proximité à la recherche de la moindre occasion pour causer blessure, maladie ou mort. Il y avait une multitude de petits dieux et petites déesses et esprits de ceci ou cela : un véritable pot-pourri d'esprits à servir. Les grands dieux les envoyaient comme leurs messagers sur terre. Ils se déplaçaient généralement par multiples de sept et étaient armés de couteaux pour arracher le cœur des gens. Ils pouvaient agir n'importe quand mais certaines périodes leur étaient plus favorables. Les gens passaient beaucoup de temps à se prémunir de ces créatures en invoquant des esprits bénéfiques.

Les Égyptiens se méfiaient de la nouveauté et du changement. Chaque chose, chaque jour s'apparentait à une recréation de la « première fois ». Les Egytpiens ne se préoccupaient que de la régénérescence et du rajeunissement de ce qui est. Ils imaginaient que le temps s'étirait sans fin vers l'avant, indéfiniment et sans changement avec des explosions chaotiques périodiques qui nécessitaient d'être régulièrement repoussées. L'important était de maintenir l'ordre, de conserver l’immuabilité afin que rien ne se produise qui n'ait son parallèle dans le passé ou le présent. Lorsque le chaos surgissait, l'espoir était de rétablir ce qui existait auparavant, de revenir à la « première fois », au début.

Ces attitudes vers le retour au début, au renouvellement des choses, se sont exprimées dans les croyances en l'au-delà. Ces idées évoluèrent au cours du temps, mais en général, au départ, il fut question du pharaon qui montait au ciel rejoindre les étoiles circumpolaires qui ne disparaissent jamais ou rejoignait Ra dans sa barque solaire pour poursuivre ses devoirs royaux consistant à défendre ma'at. Le roi gratifiait certaines personnes de privilèges funéraires pour jouir de leur compagnie après la mort. D'un autre côté, les gens du peuple n'attendait rien après la mort à part peut-être la prolongation infinie de leur vie laborieuse sous une forme confuse.

La période qui suit la première période intermédiaire (curieusement, comme nous le verrons) apporta une sorte de démocratisation de l'après-vie. Au début, seule la noblesse, puis les gens à tous les niveaux de la société, se mit en quête d'une vie éternelle meilleure que la vie sur terre. Osiris en vint à être considéré comme le seigneur du monde des ténèbres qui pouvait gratifier ses fidèles de la résurrection. On n'imagina plus que les bienheureux défunts soient confinés sous la terre ; l'âme continue à exister au ciel. Mais puisque le corps ne pouvait prendre vie que lorsqu'il était rejoint par l'âme, et que cela ne se produisait que lorsque les millions d'âmes qui accompagnaient la barque solaire lors de son voyage nocturne se trouvaient à proximité des corps, la revivification et la régénérescence étaient transitoires. La doctrine était que ces brefs épisodes étaient vécus par l'âme avec une telle intensité qu'ils semblaient équivalents à une vie terrestre. Ainsi, les épisodes d'une vie plus riche et plus élevée devaient se répéter indéfiniment ce qui signifiait que les bienheureux défunts pouvaient espérer une existence qui dure effectivement des millions d'années.

Pour tous les autres, on s'imaginait l'après-vie comme un « champ de roseaux », un paradis fertile éternel aux récoltes abondantes où c'est toujours le printemps ; en gros, une version améliorée de la vie qui était menée en Egypte. Riches et pauvres recevaient des lopins de terre qu'ils devaient cultiver. Cela incita les élites à remplir leurs sépultures de centaines de statuettes de laboureurs afin qu'ils travaillent pour eux.

A partir du Moyen Empire, tout le monde était éligible à l'au-delà. Les incantations magiques gagnèrent en importance. Ces incantations qui à l'origine étaient peintes sur les parois des sépultures royales apparurent sur les cercueils en bois des gens du peuple. Elles visaient à permettre au défunt de sortir de sa tombe et d'éviter les divers pièges qui pouvaient lui barrer la route vers la nouvelle version des enfers. Outre les incantations, on devait passer devant un tribunal, affronter des juges et démontrer que l'on avait vécu conforme à ma'at. Osiris et quarante deux magistrats, des avocats de la défense, des témoins, un greffier, tout le bataclan ; tout cela se déroulait dans une pièce appelée la chambre du double ma'at : le ma'at de la vie et de la mort. Le poids du cœur du défunt était comparé à celui d'une plume, représentant ma'at. De nombreuses personnes s'arrangeaient pour que des notices autodisculpatoires soient déposées dans leur tombe à côté de leur corps. Pour l'essentiel, ces notices proclamaient que la personne n'avait jamais fait telle ou telle mauvaise chose, comme on pouvait le dire d'une personne de ma'at.

Ceux qui avaient vécu selon ifset, le chaos, étaient exclus de l'après-vie du « champ des roseaux ». « Une série d'écrits sur l'au-delà datant d'environ 1500 av. JC, raconte le sort qui les attendait. C'était, à tous égards, le contraire de ce qui était promis aux justes. Nus, affamés, sourds et aveugles, coupés de tout contact avec le dieu-soleil ou Osiris, ils étaient plongés dans le chaos entourant l'univers. Pour tous les êtres humains, mourir signifiait passer de cet ordre au chaos qui était là de toute éternité, mais tandis que les justes se contentaient de jouir du pouvoir régénérant de l'océan primordial pour regagner l'ordre cosmique rajeunis et immortels, ceux qui avaient transgressé ma'at devaient subir une « seconde mort ». Qu'on le représente comme une terrifiante ténèbre, une mer de feu ou comme un crocodile démoniaque et affamé, le chaos devait les avaler. Et si, selon certaines sources, il s'agissait d'un anéantissement, d'autres conceptions y voyaient un éternel tourment : comme un avant-goût de l'enfer qui aller hanter tant de consciences chrétiennes dans les temps qui suivraient... L'après-vie des élus, par opposition, appartenait à cet ordre. En vérité, c'était seulement dans cette après vie que l'ordre décrété par les dieux était pleinement réalisé. Les humains vivants et les morts bienheureux partageaient le même monde ; mais alors que le royaume des vivants était toujours soumis au désordre, plein de conflits, rien de tel n'existait au royaume des morts bienheureux....

Le temps progressant vers une perfection universelle, où toutes les choses seraient définitivement bonnes et où le chaos ne menacerait plus : cette idée était étrangère à la pensée égyptienne. » (Cohn, p 49)

Pour finir, la vision religieuse du monde des Égyptiens se lit davantage comme une idéologie politique et les prêtres pourraient être considérés comme des propagandistes politiques (ce que Cohn confirme). Les valeurs et les attitudes étaient celles du roi et de la cour et l'intention première était de conserver cet « ordre ». Et ils y sont en grande partie parvenus. La société égyptienne fut extraordinairement stable au cours de très longues périodes malgré les invasions et les conquêtes occasionnelles. Le seul mouvement que l'on puisse éventuellement qualifier de révolutionnaire fut initié par Akhenaton (Amenhotep IV) qui abolit le culte des anciens dieux et décréta qu'Aton – le disque du Soleil – était l'unique dieu véritable.

[Note : une bonne partie du texte peut se trouver ici : _https://books.google.fr/books/about/Cosmos_chaos_et_le_monde_qui_vient.html?id=6EEZv29ZT_8C&printsec=frontcover&source=kp_read_button&redir_esc=y#v=onepage&q=magiques&f=false ]
 
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